Drapeau de la Martinique : qui sont ces serpents qui sifflent ?

par Pierre
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Drapeau martiniquais.

Au cours de votre séjour à la Martinique (je vous ai listé ici ses 22 incontournables), vous croiserez sans aucun doute à de nombreuses reprises le drapeau de l’île. Un bien curieux drapeau bleu à croix blanche à vrai dire, puisqu’on y voit dessinés dans les coins 4 serpents prêts à mordre… Bien loin de la douceur créole que vous avez rencontrée jusque là ! Alors, d’où diable vient ce symbole ?

 

Allez, je vous le dis tout de suite : il s’agit de fers de lance de la Martinique, une espèce de serpents endémique de “l’île aux fleurs”, qu’on appelle aussi parfois Bet’Long en créole. Ce serpent, outre qu’il soit propre à l’île, a depuis toujours accompagné l’Histoire de la Martinique : il est donc doublement vecteur d’identité.

 

Le "drapeau aux serpents" de Martinique.

Le voici en grand et en entier : le drapeau martiniquais et ses 4 serpents.

 

QUI ES-TU, FER DE LANCE DE LA MARTINIQUE ?

Où l’on parle des caractéristiques du fer de lance, des manières de l’éviter et de soigner sa morsure…

 

Petite présentation (enchanté, enfin… pas trop non plus)

Fer de lance dans une vitrine.

Couché la bête… ! Un fer-de-lance empaillé au musée du Rhum de Martinique.

La dénomination scientifique de cette charmante bestiole est bothrops lanceolatus, de la famille des viperidae. Mais dans la vraie vie, on l’appelle plutôt trigonocéphale en raison de sa tête bien triangulaire, ou fer de lance car effectivement cette tête en triangle le fait clairement ressembler à un javelot lorsqu’il se dresse pour vous faire la tête au carré (croyez-moi sur parole, n’allez pas vérifier).

Pour être plus exact, il s’agit ici du fer de lance de la Martinique car si l’espèce est propre à l’île, elle a des cousines sur l’île voisine de Sainte-Lucie mais aussi dans les pays du nord de l’Amérique du Sud.

C’est plutôt une belle bête : il est long de 2 à 2,5 mètres (les dames sont plus grandes que les messieurs !), de couleur jaune-brun, et il peut vivre jusqu’à une vingtaine d’années.

Il vit la plupart du temps au sol, mais on peut parfois l’apercevoir sur une branche. Et oui, car c’est bien sûr la question que vous vous posez : le fer de lance est venimeux, ce qui en fait l’un des rares dangers de la Martinique.

 

Évitons-nous si tu veux bien…

Ceci dit, pas de panique, les chances d’en croiser sont assez rares car :

  • Il fuit la présence humaine et ne se rencontre qu’au fin fond de la forêt tropicale ou dans les plantations de canne à sucre ou de bananes.
  • Il est actif la nuit.
  • Vous ne l’intéressez pas, ses proies favorites sont les petits rongeurs plutôt que les touristes.

C’est lors d’une randonnée que vous serez le plus susceptible de croiser un fer de lance. Pour éviter les mauvaises rencontres, c’est assez simple :

  • Comme toujours, sempiternel conseil valable pour toute randonnée : ayez un équipement adapté. Les chaussures de randonnée, montantes et épaisses, suffisent en général pour que les serpents s’y cassent les crocs.
  • Ne partez jamais seul en forêt.
  • Ne vous éloignez pas des chemins balisés (comme je l’ai dit, les fers de lance ont tendance à fuir les humains).
  • Marchez avec un bâton. Déjà, cela vous sera utile dans les dénivelés de la Martinique, mais c’est aussi une bonne manière d’éloigner les serpents : en effet, ceux-ci n’entendent pas les bruits mais ressentent les vibrations du sol. En cas de végétation touffue, frappez tranquillement plusieurs fois le sol de votre bâton avant de vous y engager.

 

…Car tu fais battre (un peu trop) mon petit cœur

Mince, rencontre impromptue… Il ne vous a pas vu venir, il s’est senti menacé… Voici quoi faire en cas de morsure de fer de lance (une dizaine de cas à peine recensée chaque année) :

  1. Restez calme et faites baisser votre rythme cardiaque (paniquer favorise la diffusion du venin).
  2. Allongez-vous.
  3. Faites appeler les secours en composant le 15. Ils sauront quoi faire.

 

UN EMBLÈME DE L’HISTOIRE DE LA MARTINIQUE

Le fer de lance, à sa manière, accompagne le destin de la Martinique depuis ses origines…

 

1502 : Christophe Colomb était-il ophiophobe ?

Dessin de Christophe Colomb.

Explorateur mais pas fou… Colomb ne restera à la Martinique que quelques heures.

Tout a commencé avec Christophe Colomb (pour être plus exact : bien avant Christophe Colomb, mais la documentation manque).

Il pose le pied à la Martinique le 15 juin 1502, lors de son quatrième voyage. Cela se passe sur la plage du Carbet, à l’embouchure de la rivière éponyme.

Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il est très méfiant. Il se souvient que, lors de son deuxième voyage en 1493, les Indiens d’Haïti lui avaient parlé d’une île, à l’est, peuplée uniquement de serpents…

Est-ce celle-ci ? C’est possible ! Les Indiens Caraïbes qui y vivent – drôlement hostiles par-dessus le marché – l’appellent en effet « Jouanacaera » : l’île aux Iguanes.

Il n’y reste qu’une journée, après en avoir pris possession au nom du roi d’Espagne, et file vers la Guadeloupe, plus hosptalière, sans laisser aucun colon derrière lui.

(PS : l’ophiophobie est la peur des serpents)

 

1635 : le cauchemar devient réalité

Gravure d'un serpent de Martinique.

Les gravures anciennes reflètent bien la terreur qu’inspirait le fer de lance.

Après Christophe Colomb, aucun Européen ne foulera le sol de la Martinique pendant 133 ans…

C’est alors que le flibustier Pierre d’Esnambuc et ses 150 compagnons se voient chassés de l’île de Saint-Christophe (aujourd’hui Saint Kitts) et errent dans les Antilles à la recherche d’une terre d’accueil. 

Il débarque en Martinique le 15 septembre 1635 à peu près au même endroit que Christophe Colomb, un peu plus au nord. Il constate que l’île est inoccupée (par des Européens s’entend) et la proclame française. Il construit un fort et un bourg, auxquels il donne le nom de son saint patron : Saint-Pierre était fondée.

Rapidement, on déchante : les fers de lance sont dans la place et mènent de redoutables attaques contre les nouveaux occupants. Plusieurs colons meurent. Bienvenue en Martinique.

 

1766 : du bleu pour empêcher des Noirs de devenir Marrons

Gravure d'un esclave en fuite.

Un esclave en fuit : c’est désormais un « Marron », à ses risques et périls…

C’est un fait : le drapeau de la Martinique est très ancien. Il a été adopté exactement le 4 août 1766 par une ordonnance royale qui dit ceci :

Tous les propriétaires de vaisseaux, bâtiments, goélettes et bateaux de la Martinique et de Sainte-Lucie feront pourvoir leurs bâtiments d’un pavillon bleu avec une croix qui partagera le dit pavillon en quatre ; dans chaque carré bleu, et au milieu du carré, il y aura la figure d’un serpent en blanc, de façon qu’il y aura quatre serpents en blanc dans le dit pavillon, qui sera reconnu dorénavant pour celui de la Martinique et de Sainte-Lucie.

Mais voilà : les navires qui hissèrent ce pavillon n’étaient pas du genre « Calypso du commandant Cousteau ». Ce qu’ils transportaient dans leur cale vers la Martinique, c’était avant tout des esclaves venus d’Afrique. Et ce qu’ils transportaient en en partant, c’était les fruits de l’esclavage : du rhum et du sucre essentiellement. 

La tradition raconte que les colons français auraient adopté ce drapeau pour décourager dès l’embarquement les esclaves de devenir des « Marrons », c’est-à-dire des esclaves en fuite, les prévenant de ce qui les attendrait… Ou comment les fers de lance de Martinique devinrent à leur manière les fers de lance de l’esclavage en Martinque…

 

1902 : les élections d’abord, monsieur !

Saint-Pierre après l'éruption de la Montagne Pelée.

Tout est sous contrôle, Gouverneur ! Les bureaux de vote peuvent ouvrir.

Saint-Pierre, de nouveau. Les serpents vont refaire parler d’eux, traumatisant l’opinion publique martiniquaise.

Nous sommes au début du mois de mai 1902. Depuis plusieurs jours déjà, la Montagne Pelée donne des frissons à tout le monde. Des cendres, des secousses, des pics de lave apparaissent, les ruisseaux gonflent… Il se passe quelque chose…

Doit-on évacuer la ville ? Non, répond le gouverneur (ce n’était pas encore le préfet) ! Pour une simple et bonne raison : le 11 mai doit se dérouler le second tour des élections législatives. Pas question de reporter le scrutin ou de nuire à sa sincérité. Tout le monde est invité à se calmer et à rester chez soi en attendant d’aller voter dimanche après la messe.

Personne n’ira voter : le 5 mai, des vagues fourmis et des chenilles s’introduisent dans les maisons, suivis de près par bien pire : les fers de lance déboulent dans les rues de Saint-Pierre, par milliers, complètement paniqués. Ils attaquent au hasard et sèment la désolation : 50 personnes sont tuées, sans compter plusieurs centaines d’animaux domestiques.

Les habitants sont sous le choc, mais ils n’auront pas le temps de ruminer : le 8 mai, la Montagne Pelée explose, libérant une nuée ardente qui anéantit la cité en quelques secondes. Sur ses presque 30 000 habitants, il n’y aura que 3 survivants

 

7 CHOSES À SAVOIR SUR LE DRAPEAU MARTINIQUAIS
(pour briller en société)

1️⃣ Officiellement, en language héraldique, ce drapeau est « d’azur à la croix d’argent, cantonnée de quatre serpents du même ». 

2️⃣  Il n’est pas non plus sans rappeler le drapeau du Québec, à ceci près de chez nos cousins de la Belle Province, ce sont 4 pacifiques fleurs de lys blanches qui trônent en lieu et place des terrifiants reptiles.

3️⃣ Ce drapeau n’a pas de statut officiel. En effet, seul le drapeau tricolore bleu-blanc-rouge l’a sur le territoire national français.

4️⃣ À la base, il ne s’agit pas d’un drapeau mais un pavillon de marine. La différence ? Il n’est pas forcément lié à la nationalité mais donne des informations sur le navire, sa cargaison, etc. : c’est avant tout un outil de signalisation (les conditions météo rendent la reconnaissance parfois difficile) avant d’être une marque identitaire. 

5️⃣ Tous les Martiniquais n’aiment pas ce drapeau, car il est tout de même très lié au commerce des esclaves

6️⃣ On le nomme « drapeau aux serpents » pour le distinguer d’un autre, aux accents carrément nationalistes, qui lui est aux couleurs rouge, noire et verte. Vous le croiserez peut-être, mais il est rare (un peu comme le fer de lance).

7️⃣ Ce n’est pas donné à toutes les îles mais la Martinique a son propre emoji : ??️ (MQ).

 

COMMENT ACHETER UN DRAPEAU DE LA MARTINIQUE ?

Vous aimez la Martinique, ce drapeau et les souvenirs qui s’y rapportent, et vous ne savez pas où vous le procurer ? Nous vous en proposons ici 3 variantes : drapeaux tissu en 2 tailles et guirlande, pour marquer votre attachement à « l’île aux fleurs », pour une soirée antillaise ou un anniversaire par exemple.

 

Drapeau de la Martinique
90 x 150 cm
Drapeau de la Martinique
60 x 90 cm
Guirlande de 20 drapeaux martiniquais (6 mètres)

 

4 commentaires

Stromaed 29 mars 2021 - 7:55

Consultable par tous votre article devrait rétablir la vérité historique, vérité qui part dans tous les sens en ce moment.

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marine 2 mars 2020 - 14:08

merci pour ce superbe article très instructif…

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Nabec 3 octobre 2019 - 21:41

On est bien OK mais le fanion pour réunions sportives dans 30 ans fera l’objet d’un même ostracisme et peut-être même plus tôt. Car franchement le lambi est co noté sexuellement parlant et on injurie encore la maman avec…je ne me réfugie pas dans l’anonymat.j’assume mes écrits ChN

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Ephciba 18 novembre 2018 - 2:21

Bonjour, il n’est plus nécessaire de revendiquer ce drapeau et de se le procurer, c’est un drapeau maudit. Si vous voulez promouvoir la Martinique, ce n’est pas avec ce drapeau.
Cependant, votre article est très instructif. Merci pour ces infos

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